Soyons Directs, 29 octobre 2004

Ci-dessous, une retranscription approximative d'une partie de l'interview télévisée de Brian Molko.

Emmanuel Chain : Brian vous êtes une des seules sinon la seule rockstar à parler français couramment

Brian Molko : Mon grand père était français alors c’est dans le sang mais j’ai grandi au Luxembourg avec la TV française, la BD française, cela fait partie de ma culture. 

Emmanuel Chain : Vous avez la double nationalité britannique et américaine. Vous avez 2 passeports, il paraît que vous avez failli déchirer votre passeport américain.

Brian Molko : J’avais très envie de le déchirer mais je me suis dit que si je le déchire j’ai pas le droit d’avoir une opinion sur les Etats Unis.

Emmanuel Chain : Vous allez voter mardi ?

Brian Molko : J’ai un gros problème : dans la politique américaine on vote toujours contre quelqu’un. Il faut bien souligner que je n’ai jamais vécu aux Etats Unis. J’ai des amis, REM, Bruce Springsteen, qui font une tournée anti-Bush. Si je vivais aux USA je le ferais mais je ne me sens pas américain, j’ai un passeport et puis voilà, on ne choisit pas ses parents, on ne choisit pas sa nationalité. Je suis assez fier d’être écossais, vous vous souvenez du film Trainspotting, une des répliques d’Ewan Mac Gregor «les écossais sont des enculés parce qu’ils sont même colonisés par des enculés»
Emmanuel Chain : Brian vous avez dit que vous préfériez un président qui aime les pipes à la Bible ?

Brian Molko : Oui, à propos de Bill Clinton

Bernard-Henri Lévy : il aime les pipes et la Bible !

Brian Molko : Et c’est ce qui est con. Aux USA on est obligé de dire que l’on est l’ami de Jésus pour être élu, moi je trouve ça vraiment con.

Emmanuel Chain : Est-ce que vous pensez que ces tournées anti-Bush ont un impact sur l’électorat américain ?

Brian Molko : J’espère, si je devais voter, je ne voterais pas nécessairement pour Kerry mais contre Bush parce qu’ils ne sont pas vraiment différents. Aux USA il n’y a que la politique de droite, ils peuvent mettre des costards de couleurs différentes mais c’est pratiquement la même politique. Il n’y a pas d’alternative a cette politique aux USA.

Emmanuel Chain : Vous êtes représentatif d’une génération qui ne croit plus en la politique et considère qu’au fond les politiques sont toutes pareilles.

Brian Molko : On a beaucoup été déçus par les gens. On est la première génération qui a grandi avec l’idée que le sexe c’est la mort. C’est différent mais c’est très très important. Et ne pas être cynique à propos de la vie en général quand on grandit avec cette idée là, de s’engager, c’est difficile.

Emmanuel Chain : Vous avez une gueule d’ange et pourtant vous êtes vachement subversif comme toutes les rockstars. Est-ce que ça vous a aidé d’avoir cette gueule d’ange ?

Brian Molko : Je suppose car les gens sont très superficiels, je le suis aussi parfois. Ces maquillages, la fumée, c’est «smoke in mirrors» c’est pas vraiment moi, quand je me lève le matin je me dis pas «salut rockstar», je me dis «salut petit con»

Emmanuel Chain : Et c’est pour ça que vous vous maquillez ?

Brian Molko : Je me maquille pour les mêmes raisons que les filles, pour avoir plus de confiance en soi, pour se sentir plus attirant, c’est égoïste.

Emmanuel Chain : Qu’est-ce qui vous a tellement dégoûté à l’idée de devenir banquier comme votre père ?

Brian Molko : J’ai toujours cherché un alternatif à la vie réelle, une façon de ne pas avoir besoin de faire un métro-boulot-dodo, de chasser son rêve. Je pense qu’on devrait tous le faire et c’est la société qui te dit qu’il faut qu’on te catégorise. Moi je ne sais pas qui je suis d’un jour à l’autre et c’est ce que je cherche à apprendre à travers la musique. Je vais pas me pointer comme ça et avoir des opinions sur tout. Je me demande souvent pourquoi parce qu’on est musicien on devrait avoir une opinion sur n’importe quoi sauf sur la musique mais quand même, je me cherche et je me cherche encore. J’ai fait plein de bêtises, c’est vrai.

Emmanuel Chain : Vous avez pris des drogues dures. Vous en prenez encore ?

Brian Molko : (silence avec Brian souriant)…Non.

Emmanuel Chain : Je dois vous croire ?

Brian Molko : ça dépend.

Emmanuel Chain : S’il y avait un ado qui venait vous voir pour vous dire «Brian j’ai envie de prendre de la drogue comme toi», qu’est ce que vous lui diriez ?

Brian Molko : Je lui dirais plutôt de ne pas commencer à fumer parce que c’est vraiment con de fumer, moi je suis accro à la nicotine, c’est ça le problème et on ne ressent rien sauf un peu malade alors je trouve ça con, une drogue comme la nicotine. C’est plus con que toutes les choses qui changent ton idée, toutes ces choses cyclo tropiques bien sur.

Emmanuel Chain : Mais l’héroïne c’est plus grave que fumer.

Brian Molko : Bien sûr, mais c’est très important à souligner pour tous les gens religieux ou qui font la morale à tout le monde : si vous n’aimez pas les drogues alors rentrez chez vous et brûlez toute votre collection de CD parce que les Beatles par exemple étaient si bourrés, si défoncés qu’ils ont même laissé le batteur chanter.
Emmanuel Chain : Question sur Internet : est ce qu’il y a quelque chose que vous auriez aimé faire et que vous n’avez pas fait pour des questions légales ou morales ?

Brian Molko : Non, je ne crois pas, je ne sais pas.

Emmanuel Chain : Vous affichez votre bisexualité, ça veut dire qu’entre les hommes et les femmes vous ne faites pas de préférence ?

Brian Molko : Hum…Pour être honnête ça prend plus pour un mec pour m’attirer que pour une femme, particulièrement en France. Mais c’est les gens qui m’intéressent pas leur membre, je suis pas coincé. Et qu’est-ce qu’il y a de pire dans la vie que d’être coincé ?

Emmanuel Chain : Pour vous c’est plus facile de séduire les hommes ou les femmes ?

Brian Molko : (rires) Les hommes, parce que les hommes sont cons.

Emmanuel Chain : Quand vous êtes en concert vous électrisez les foules, est-ce que vous pourriez décrire ce qui se passe dans ces moments là ?

Brian Molko : C’est une euphorie collective. Les meilleurs concerts c’est quand le public avance vers vous et que vous avancez vers lui, il y a ce genre de communion.
Emmanuel Chain : On sent que vous êtes très attaché à la France pourtant vous vivez à Londres. Vous pourriez vivre à Paris ? Pourquoi vous ne le faites pas ?

Brian Molko : Parce qu’on vit tous en Angleterre, c’est plus pratique.

Emmanuel Chain : Vos parents vous ont dit qu’ils étaient fiers de vous ?

Brian Molko : Non, mais ça ne me dérange pas trop parce qu’on est des gens très différents, voilà c’est comme ça, ce sont des choses qui arrivent.


Soyons Directs, 29 octobre 2004
Type
Interview
Date de parution
Non communiquée
Mise en ligne
2 février 2005
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