Placebo par David Héry, 2003

- Quand avez-vous commencé à travailler sur Sleeping with Ghosts ?
BM : On s'est retrouvé pendant l'été 2002. On est le genre de groupe qui écrit constamment. On est très créatif et on a toujours une chanson en préparation. Les chansons présentes sur l'album couvrent une période de 3 ans. Certaines viennent de la fin des sessions d'enregistrements de Black Market Music, d'autres des 18 mois de tournées. Pendant les balances, on trouvait des instrumentaux. Après, on a fait un break et on travaillait indépendamment dans nos studios sur des idées. La technologie nous permet de nous envoyer nos idées et de construire les morceaux petit à petit.

- Vous avez quelque chose pour enregistrer pendant vos tournées ? 
SH : On a un 8 pistes.
BM : Grâce à cela, on n'a pas besoin de recréer la spontanéité des démos. On peut les réutiliser directement pour l'album. Une partie des overdubs et des voix étaient d'ailleurs déjà faites avant d'entrer en studio.

- Où avez-vous enregistré ? 
SH : A Londres dans les Townhouse Studios pendant 4 mois...
BM : L'enregistrement de Black Market Music avait pris 9 mois et on ne voulait pas que ça prenne autant de temps. Ce n'était pas nécessaire. On voulait être raisonnable. 4 mois, c'est une bonne durée. Il faut juste apprendre à décider de ce qu'on veut plus tôt.

- Vous avez déclaré que Queens Of The Stone Age vous avait inspiré. Dans quelle mesure ?
BM : On les avait vus en concert. On a trouvé le groupe étonnant. Ils nous ont inspirés parce qu'on pense que c'est un des meilleurs groupes rock de la planète. Quand ce groupe joue sur scène, il pose de nouveaux standards. Il vous redonne foi dans le rock'n roll et vous rend fier de faire partie d'un groupe de rock.
SH : on les a vus avec et sans Dave Grohl et c'était époustouflant dans les 2 cas !

- Comment travaillez-vous ensemble vos morceaux en studio ?
BM : Parfois, les chansons arrivent de nulle part dans le studio. L'un de nous commence à jouer un truc et ça devient vite une chanson. Cette fois, on a travaillé étroitement avec le producteur et il nous a appris des choses tous les jours. On a dû oublier nos anciennes méthodes de travail. C'était une façon très fraîche de travailler en studio.

- Que vous a apporté le producteur Jim Abbis en particulier ?
BM : Il changeait les temps sur les chansons. Il avait des références bien différentes des nôtres. Il nous a forcés à faire les choses différemment du genre : "tu joues de la guitare avec tes mains, n'utilise plus tes mains !". Il a énormément de talent et a créé une atmosphère qu'on ressent sur l'album. On avait besoin d'un challenge pour rester frais.

- Vous aviez peur de vous ennuyer ?
SH : On avait peur de se répéter, de conserver une formule...
SO : C'est l'album le plus "humain" qu'on ait fait. C'était bien d'avoir quelqu'un qui ne nous disait pas toujours "oui".

- C'était le cas auparavant ? 
BM : C'était vrai sur Black Market Music. On l'avait produit nous-mêmes avec un ami à nous. On faisait donc tout ce qu'on voulait, ce qui n'est pas la meilleure chose à faire.

- A quel moment de l'écriture des morceaux, vous intéressez-vous aux paroles ? 
BM : La musique arrive toujours en premier. J'écris les paroles suivant l'émotion qui se dégage des musiques. Je ne suis pas le genre d'artiste à voir des tonnes de notes. La musique inspire toujours les paroles.

- Pourquoi avoir choisi Sleeping with Ghosts pour le titre de l'album ?
BM : On a cherché un titre qui ne soit pas celui d'une chanson de l'album pour éviter de trop focaliser l'auditeur sur cette chanson mais on n'a rien trouvé de mieux.

- Vous croyez que les fantômes existent ?
SH : J'y crois. J'ai eu des expériences avec des fantômes quand j'étais plus jeune. Des sensations, des odeurs... Pour moi, il y a quelque chose d'autre que la vie terrestre.
BM : Moi, je n'y crois pas.
SO : Moi non plus.

- Le 1er titre de l'album est un instrumental. C'est la 1ère fois que vous faites cela ?
BM : On l'avait déjà fait sur un morceau caché. On a décidé de le placer au début parce que c'était la seule place où on pouvait le mettre. Il a pour but de réveiller l'auditeur et, quand il arrive au 2ème morceau, il ne sait toujours pas de quoi sera fait l'album. Le 2ème titre ne l'aide pas non plus beaucoup car il est complètement différent. C'est intriguant et l'auditeur doit vraiment écouter tout l'album pour comprendre ce qui se passe.

- Que vouliez-vous faire ressentir plus particulièrement ?
BM : On voulait faire de belles musiques avec beaucoup d'émotions. Le reste est très instinctif.

- L'instrumental s'appelle Bulletproof Cupid. D'où vient ce titre ?
BM : Pour moi, c'est un coeur brisé qui veut quand même continuer à aimer l'avenir. "Cupid", c'est le Dieu de l'Amour. C'est très romantique à la Destiny's Child. Nous sommes des "Survivors" (rires). J'adore les Destiny's Child. Quand je suis DJ, je passe les Destiny's Child. Independent Woman est fantastique ! C'est de la bonne pop music. Un titre comme Bootylicious devrait montrer l'exemple de ce que doit être la pop. Pas la Star Academy ! Le fait que ce soit populaire n'empêche pas de faire des choses de qualité... Le pire en pop, c'est Ronan Keating. On aime plein de styles de musique. Ce n'est pas parce qu'il n'y a pas de guitares, qu'on doit cracher dessus.
SH : J'ai entendu un album de reprises de Johnny Cash où il reprend Personal Jesus de Depeche Mode. C'est très bien.

- Qu'est-ce que vous pensez du phénomène Star Academy ?
BM : On l'a aussi en Angleterre. Ça s'appelle Fame Academy. C'est comme un fléau qui s'étend sur toute la planète. On a aussi Popstars, Pop Idol... Malheureusement, les gens achètent et ça pollue les ondes!

- C'est le même système qu'en France ? Ils font des reprises ?
BM : Exactement pareil. Il devrait d'ailleurs l'appeler Karaoke Idol, ce serait plus honnête. Ils reprennent des Beatles, du Boyzone... ils reprennent des titres d'un groupe de reprises, vous imaginez ?

- Un titre s'intitule Protect Me from What I Want. Quelle est la signification de cette chanson ?
BM : Cette chanson traite de la fin d'une relation, de cette période de dépression qu'il faut traverser quand une relation se termine. Ça peut durer longtemps. La personne au centre de la chanson se demande pourquoi il pense toujours à cette relation qui le détruit.

- Est-ce que ce genre de phase est propice à l'écriture ? 
BM : Parfois, j'écris sur le moment quand je ressens cette émotion. Parfois, je prends du recul et j'écris ensuite. C'est plus simple à écrire quand on a un point de vue objectif. Mais, l'écriture permet de digérer les émotions et de les dépasser. Une chanson, c'est un peu comme un exorcisme. C'est cathartique. C'est un peu cliché mais c'est comme ça que ça marche pour moi.

- Vos vidéos sont toujours très stylisées. Comment sera la nouvelle de The Bitter End ? 
BM : C'est nous en train de jouer. Ça faisait longtemps qu'on n'avait pas fait ce genre de vidéo. C'est plein d'énergie et de mouvements. Les vidéos sont un passage obligé maintenant. On essaie d'être pragmatique. Tu fais un single, tu dois faire une vidéo.

- Que pensez-vous de la position de George W. Bush vis à vis de l'Irak ?
BM : Et ça recommence! On arrête pas de parler de la guerre. C'est un débat brûlant. On a participé à une manifestation il y a quelques semaines devant le Parlement en Angleterre. Elle était menée par 3D de Massive Attack et Damon Albarn. C'est une sorte de coalition musicale contre la guerre. Ils nous ont demandé un peu tard de participer à une compilation et on n'avait pas assez de temps pour s'en occuper. Mais on montre notre soutien dans les médias...

- Qu'avez-vous ressenti à la mort de Joe Strummer ?
BM : On a tous écouté ses disques en grandissant...
SO : On n'a pas pu passer à côté. C'était, en plus d'être un musicien, un activiste, peut-être le musicien le plus actif politiquement en Angleterre.

-Quels sont vos projets pour les prochains mois ?
BM : On va d'abord répéter. On fait l'Olympia le 13 mars puis on part en tournée en mai. On sera au Printemps de Bourges et on devrait faire des festivals cet été.



Placebo par David Héry, 2003
Type
Interview
Date de parution
Février 2003
Source
mcm (journaliste : David Héry)
Mise en ligne
18 septembre 2004
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