Sleeping With Brian, 2003

- Avec plus d'1 million d'exemplaires vendus, Sleeping with ghosts ressort avec un bonus CD truffé de 10 reprises très éclectiques (The ballad of Melody Nelson de Gainsbourg, Daddy cool de Boney M, Where is my mind des Pixies…). Comment vous est venue cette idée ?
BM : C'est quelque chose qu'on avait toujours pensé faire, un peu comme une collection de toutes nos reprises. Ces derniers temps, les groupes repackagent leur album en ne rajoutant qu'1 ou 2 morceaux inédits, live ou issus de faces b. C'est une arnaque ! On a donc décidé que si l'on devait adopter une stratégie similaire alors, par respect pour nos fans, il y aurait quelque chose de spécial. Le résultat est ce disque de 10 chansons. Elles ont été enregistrées au cours des 8 dernières années, pour des albums hommage, des films ou tout simplement pour le plaisir. C'est aussi un défi pour nous de savoir si l'on peut amener quelque chose de supplémentaire et de complémentaire. Beaucoup de nos fans n'ont pas grandi avec ces groupes, certains n'ont que 15 ans et ne possèdent pas ces albums. Ils ne savent pas d'où l'on vient. On leur présente nos influences. Sinon, ils auraient pu penser que c'était de la musique de vieux schnocks. Si un gamin de 15 ans allait acheter Surfer Rosa des Pixies, je trouverais ça génial !

- Au fil des années, vous avez sorti un nombre très important de singles, de maxis, tous truffés de raretés : un cauchemar pour vos fans collectionneurs ! Que comptez-vous faire ?
BM : Plus tard, on va sortir un coffret, puis une collection de nos 45 tours et de nos faces b. Tout le monde ne peut pas se procurer l'intégralité de ces chansons. Le seul moyen est d'aller sur Internet même si notre politique concernant le net est nuancée. L'industrie du disque est dans la merde et c'est de sa faute ! C'est peu coûteux de presser un CD, mais celui-ci est vendu très cher. Il y a une grande différence entre chercher quelque chose sur Internet qu'on ne trouve plus chez un disquaire et le téléchargement sauvage. Il est important que les fans se rendent compte que s'ils n'achètent pas les disques en magasin, on ne pourra plus vivre en tant que groupe. La vision romantique de l'artiste rock, vivant dans le caniveau avec une aiguille dans le bras en train de réciter de la poésie spontanée, est absolument stupide. Nous sommes des êtres humains et l'on a besoin de manger, de mettre un toit sur nos têtes. Je me demande d'où vient cette idée que les musiciens sont les seules personnes au monde devant bosser pour rien. Les gens pensent que notre vie est charmante, faite de sexe, de drogue et de rock'n'roll ! On met beaucoup de sueur dans notre boulot, pour offrir du plaisir aux gens et ces derniers demandent qu'on le fasse gratos ! Si les fans continuent à télécharger de la musique, la seule façon de se faire du fric sera d'augmenter le prix des concerts. Les CD's devraient être meilleur marché, mais les maisons de disques ne veulent pas les baisser pour conserver leurs marges. Trouvons un système sur Internet pour que l'artiste soit tout de même rétribué.

- Après 8 ans de carrière rock, on dirait que vous êtes en train de toucher un public de plus en plus large ?
BM : Cela me réchauffe le cœur. Il y a des ados qui ont découvert Placebo en écoutant The Bitter End. En général, aux concerts, les gens qui ont grandi avec nous sont derrière, en retrait. Depuis 95, cela a été 8 ans de boulot continu et intense. On a bâti notre carrière façon vieille école comme REM ou U2, c'est-à-dire en tournant sans cesse et partout. C est comme ça que tu crées une loyauté, une fidélité. Notre notoriété va croissant, mais je préfère cela plutôt que d'arriver n°1 comme Coldplay, car qu'est-ce que tu fais après ? On a tout le temps devant nous pour devenir le plus grand groupe du monde (rires).

- Sleeping With Ghosts est sûrement votre album le plus mature et intime, non ?
BM : Il est romantique, sans être sentimental. Il y a beaucoup de couleurs dans les chansons. C'est aussi la 1re fois qu'on enregistre un album pendant l'été et après un long break. Avant on était dans une bulle rock'n'roll, on alternait les tournées et les séances en studio, on était déconnecté de la vie normale. C'est dangereux de vivre dans cette sphère trop longtemps. On a eu le temps de prendre un peu de distance sur tout ce qui s'est passé depuis 96. J'ai pu aussi réfléchir à la montagne russe qu'est ma vie émotionnelle depuis ces 7 dernières années. Les fantômes dont je parle, ce sont les gens, les événements que tu portes dans ton cœur de manière consciente ou pas. Ce sont ces choses-là qui ont un effet sur toi, dans ta vie quotidienne. C'est cette relation avec la mémoire qui m'intéresse.

- Après des années d'excès en tout genre, est-il encore possible de se souvenir de tout ?
BM : Mes souvenirs sont assez flous, mais cela aurait été regrettable de ne pas avoir tiré des enseignements de toutes les choses dingues qui se sont passées dans notre vie. Je trouve dommage d'être la même personne à 30 ans et à 22 ans. Grandir ne veut pas dire nécessairement devenir mieux mais tendre vers une meilleure sagesse, vivre avec plus de paix. Pouvoir vivre avec moi, voilà ce que je cherche avant tout. On ne peut pas rouler dans une voiture sans essence, il faut faire le plein. Mon prochain break sera en février et je vais aller en Inde pendant 1 mois pour me reposer, méditer et surtout me ressourcer.



Sleeping With Brian, 2003
Type
Interview
Date de parution
Juin 2003
Source
Studyrama
Mise en ligne
18 septembre 2004
Déjà lu
5582 fois

Vos réactions sur Sleeping With Brian, 2003